Comment peut-on commencer une chanson en étant stressé(e)?

Remarque : cet article est basé sur des réflexions résultant de la pandémie de la COVID.

J’échange quotidiennement quelques mots avec des artistes que je connais : des amis, des partenaires de label, des personnes que j’aime ou toute personne qui souhaite établir un lien. Je crois qu’en ces temps, il est important de garder des contacts sociaux pour détourner notre attention de la folie, de la misère ou d’autres préoccupations qui ne cessent d’émerger.

« Comment pouvez-vous encore faire de la musique avec tout ce qui se passe? » m’a demandé quelqu’un aujourd’hui (et la semaine dernière). J’ai fait un atelier pour MUTEK et la question principale était similaire, quelque chose comme « d’où proviennent les idées (musicales)? »

Les deux réponses se recoupent, d’une certaine manière. Si vous réfléchissez à la provenance des idées (ou « l’inspiration » si vous voulez), cela peut survenir à des moments aléatoires. Pour certaines personnes, c’est sous la douche, pour d’autres c’est en déplacement, ou en faisant du yoga, etc. En gros, 90 % du temps, cela se passe ailleurs, plutôt que lorsque vous faites de la musique. D’où l’importance de faire de longues pauses lorsque vous faites de la musique, et par pauses, j’entends quitter le studio, sortir et faire autre chose. Votre esprit continue à faire de la musique, mais l’espace que vous vous créez pour penser vous permettra de résoudre des problèmes.

Je ne sais pas pour vous, mais mon esprit est presque toujours en train de faire de la musique, d’une certaine manière. Je fais la vaisselle ou je promène mon chien, et mon cerveau travaille à créer des motifs, à imaginer la structure de chansons, à prêter attention aux bruits ambiants et à trouver comment traduire cela avec un synthétiseur. Donc, quand on me demande d’où viennent mes idées, il est un peu délicat de donner une réponse catégorique, parce que la source de certaines idées émerge bien avant que je ne sois assis devant l’ordinateur. Le fait est qu’une fois devant mon écran, c’est comme si tout ce à quoi j’ai pensé disparaissait… J’ai tout oublié et je suis là, à penser à quoi maintenant?

La bonne habitude de s’asseoir pour faire de la musique commence par l’engagement d’une séance de 5 minutes.

Là où les questions existentialistes « pourquoi faire de la musique » me frappent parfois pendant cette pandémie, et fort. Pourquoi est-ce que je fais cela? À qui vais-je m’adresser? Pourquoi, pourquoi, pourquoi?

La réponse à tout peut être trouvée dans l’engagement de 5 minutes. Si vous êtes quelqu’un qui s’intéresse à la méditation, nous disons que l’étape la plus difficile pour méditer est de s’asseoir et de commencer. C’est la même chose pour la musique.

Une autre partie de ce défi que nous devons relever est l’isolement. La plupart des artistes se nourrissent d’événements pour s’inspirer. Aujourd’hui, les tournées sont difficiles, et cette coupure qui se produit d’un seul coup est un défi mental. Avoir la force de continuer à faire de la musique après des mois est un autre obstacle en soi, car c’est quelque chose qui est non seulement exigeant, mais aussi inhabituellement frustrant.

Si vous prenez le film sur The Doors, ils vont dans le désert et essaient de prendre du peyotl pour une expérience spirituelle. Dans les années 60 et 70, beaucoup d’artistes ont connu un moment décisif où ils ont voulu dépasser le style de vie rock-and-roll pour chercher des réponses à leur vie, à leur art, et pour ouvrir de nouvelles voies de création. Il y a quelque chose qui me fait me demander, quand je vois des artistes appeler leur art « méditation » ou autre, s’il y a un certain sens de l’intégrité envers l’engagement de ce qu’ils veulent traduire. La chanson est-elle juste une nouvelle prise de vue de quelque chose qu’ils ont fait auparavant ou y a-t-il un réel intérêt à faire quelque chose de significatif?

Je partage cela parce que si vous vous heurtez à un mur en faisant de la musique, cela peut être directement lié à une partie de vous-même qui a soit faim de quelque chose de plus, soit éprouve de la répulsion envers les schémas répétitifs qui n’apportent pas de réponses à vos besoins actuels. On n’a pas besoin de changement, mais si votre envie de créer s’est heurtée à un mur, il est peut-être temps d’essayer autre chose. Parce que nous sommes artistes et que nous créons comme nous respirons.

Comment se réinventer artistiquement a été abordé sur ce blogue dans le passé, ainsi que la façon de commencer une nouvelle chanson. Je ne vais pas tout reprendre, mais je peux partager comment aborder la musique en ces temps difficiles, quand on est confronté au stress ou à un sentiment d’abandon.

QU’EST-CE QUE VOUS ÉCOUTEZ? ÉTABLISSEZ UN LIEN AVEC LE NOUVEAU PUBLIC.

Beaucoup d’artistes trouvent leur inspiration dans les clubs et les tournées. Sans ce genre d’énergie dans le contexte, cela ne veut pas dire que la musique est morte, elle est juste transposée. Il a été très difficile d’expliquer à des gens qui n’ont jamais été en club de se mettre en rapport avec l’expérience de la musique forte parce que cette même musique, hors contexte, est souvent très bizarre et parfois inutile. Mais il y a d’autres options. Vous pouvez faire le même genre de musique pour le moment où ces événements reviendront, mais vous pourriez aussi prendre le temps de faire de la musique qui n’est pas destinée à ces contextes. Ce qui fait la maturité d’un artiste, c’est la profondeur dont il dispose. Si votre musique est unidimensionnelle, vous vous tirez une balle dans le pied. Les meilleurs artistes auront des pseudonymes différents pour explorer d’autres voies et je dirais qu’il est fortement encouragé de travailler sur des genres différents. Commencez par écouter beaucoup de musique, peut-être plus que vous ne le faites habituellement.

CONCENTREZ-VOUS SUR LA FACILITÉ.

L’absence d’effort semble mettre certaines personnes mal à l’aise. On a l’impression que la bonne musique est le fruit d’innombrables heures de travail. Eh bien, oui et non. Si vous pensez que vous devez travailler beaucoup pour aiguiser vos compétences, oui, cela demande de la résistance, de la motivation, de la curiosité et beaucoup de discipline. C’est là que se trouve le travail difficile. Mais pour enregistrer une chanson… c’est là que vous mettez en pratique les compétences acquises et lorsque vous composez, cela devrait se faire sans effort. Tout l’aspect de la postproduction, du montage, de l’arrangement sans fin et du clic clic clic de votre musique à la perfection n’est pas, à mon avis, le vrai problème. C’est l’interminable tentative de saisie de la perfection qui tue l’idée originale, pure et brute. Je suis plus intéressé par les idées que par la production parfaite. Dans de nombreux cas, la musique surproduite vieillit très mal.

 

Pour se mettre à « faire de la musique sans effort », il faut se préparer à de futurs projets en esquissant beaucoup d’idées, mais surtout des idées musicales sans grand soutien. Commencez beaucoup de projets, faites des boucles et des motifs, construisez des présélections, des macros, rassemblez-en aussi. Une partie de cela signifie également de mettre de côté la productivité et de se concentrer sur le temps passé à faire de la musique et à ne rien finir. Pensez aux guitaristes qui se contentent de jouer avec leur guitare sans faire de chanson. Ils jouent juste ce qu’ils sentent venir.

COLLABOREZ, DISCUTEZ ET ÉTABLISSEZ DES LIENS.

Combien de temps passez-vous à parler de votre musique? Je ne parle pas de plug-ins et de techniques, mais d’idées, d’émotions et de ce que vous essayez de partager. Est-ce que vous allez vers d’autres artistes et partagez ce que vous ressentez à propos de leur musique ou ce qu’elle vous donne comme image?

Parler de la musique en général est un pur carburant pour l’imagination. L’idée de mettre des mots dans l’abstraction des sons est une façon de se rapprocher de la compréhension des techniques et de vous aider à avoir plus de précision sur ce que vous voulez faire. Si vous pouvez l’expliquer, vous le comprendrez mieux. De plus, l’idée de partager avec un autre artiste est une façon d’obtenir également un retour technique sur des parties qui restent obscures et confuses.

Une des choses que j’avais l’habitude de faire, et que j’aime toujours, c’est d’inviter quelques personnes à partager leur musique préférée du moment, pour l’écouter activement, la commenter, en nous perdre dedans. C’est pour les musiciens une activité assez cruciale, car l’idée de comment les autres perçoivent la musique est une compréhension essentielle de ce que les gens recherchent dans la musique, tout autant que ce que représente la musique qu’ils sont prêts à écouter et à partager. Cela devrait permettre de remplir vos références et d’étudier pour de futurs projets.

Faire une playlist collaborative sur des sites de streaming vous permet également d’être plus connecté. C’est la beauté du streaming, même s’il suscite beaucoup de réactions. De plus, avec la Covid, c’est possible même à distance.

Objectif, passion et don naturel

Vous avez peut-être utilisé la musique comme exutoire pour passer au travers de la pandémie, et vous n’êtes pas seul(e). Lorsque la pandémie s’est déclarée, j’ai commencé à recevoir un nombre particulièrement élevé de demandes de mixage et de mastering. J’ai vu une augmentation d’environ 25 % de mon travail par rapport aux années précédentes. À un moment donné, ma charge de travail a doublé. Principalement parce que tout le monde fait de la musique en ce moment et qu’il y a moins de choses à faire.

Une question revient sans cesse : y a-t-il un moyen de transformer mon passe-temps, ce que j’aime faire, en quelque chose qui peut être mon travail au quotidien? Pouvez-vous vraiment gagner votre vie en tant qu’artiste? Beaucoup d’entre nous poursuivent l’idée de finir une chanson, de sortir un album et de le voir en ligne avec d’autres artistes que nous aimons. Il doit bien y avoir de l’argent qui me revient de ce travail pour me soutenir financièrement, non?

Désolé, mais la vérité est que l’argent qui revient des ventes, du streaming et d’autres expositions est vraiment faible.

Alors comment peut-on gagner de l’argent et vivre d’une passion?

Je suis tombé sur un article basé sur une étude selon laquelle on trouve plus de bonheur en poursuivant son but plutôt que sa passion. Il est également bien connu que faire de sa passion un métier peut aussi la tuer. J’ai été musicien à plein temps, j’ai dirigé un label et j’ai fait des tournées… Je peux vous dire que si vous vous trouvez à faire un mauvais investissement, cela peut complètement anéantir la carrière que vous avez construite pendant une décennie. Cela ne m’est pas arrivé, mais j’ai vu une scène sur laquelle je comptais, s’éteindre après une longue période d’âge d’or. Ce qui a suivi ce genre ne m’a pas inspiré, et je n’ai jamais eu envie d’embarquer dans le navire comme la plupart de mes pairs l’ont fait. Au lieu de cela, j’ai fait profil bas pendant un certain temps, j’ai trouvé des emplois au hasard qui pouvaient payer les factures et avec un peu de recul, je peux voir que j’ai beaucoup appris en faisant autre chose que de la musique toute la journée. Vous pouvez perdre la perspective de vous-même, de votre orientation, de votre vision initiale.

Vous l’avez peut-être déjà vu ou lu sur ce blogue, mais j’ai commencé l’année 2020 avec le défi de faire une piste par semaine pendant toute l’année. J’ai pensé au départ que cela pourrait être un bon moyen d’attirer les gens vers ce que je fais tout en apprenant davantage sur la production, de réviser/réinventer ma propre méthode et, bien sûr, de pondre un tas de morceaux à sortir, éventuellement. Cette expérience m’a vraiment ramené vers les années 2006-2008, quand je produisais comme un fou et que j’avais beaucoup de sorties. Certaines personnes m’ont dit qu’elles voulaient que je fasse de la techno comme à l’époque, mais j’ai senti que ce qui avait été dit à alors n’avait pas besoin d’être répété : je voulais apporter quelque chose de nouveau.

Ajouter ce défi à mon travail quotidien m’a presque épuisé, ce qui est vraiment une mauvaise chose si vous êtes un artiste. C’est dans cet esprit que j’ai commencé à doser ma production musicale et que d’autres idées m’ont été proposées :

  • Comment connaître efficacement mes outils pour faire exactement ce que je dois faire?
  • Comment repérer rapidement les obstacles et apprendre la ou les techniques pour les surmonter?
  • Connaître mes limites, tant sur le plan créatif, de l’énergie personnelle, que sur le plan technique.
  • Essayer d’identifier les choses que je ne connais pas et ne pas les négliger.
  • Rester humble.
  • Savoir ce que j’aime faire et ce que je fais le mieux.

Si vous commencez à faire quelque chose pour attirer l’attention, vous vous lasserez très vite, surtout si la réaction ne répond pas à vos attentes. Dans mon cas, j’ai vite vu (je l’avais prévu!) qu’après la 8e semaine, les gens ne se soucieraient plus vraiment de la musique publiée. J’ai en quelque sorte arrêté de poster ma musique et j’ai décidé de partager avec une poignée de personnes dont je savais qu’elles écouteraient. Finalement, j’ai commencé à faire de la musique pour moi seul et j’ai même arrêté de les mettre en ligne sur Weeklybeats, le site du défi. Ce qui est assez fascinant, c’est de regarder les 8 premiers morceaux et ce que je fais maintenant : c’est complètement différent. Ce que je fais pour moi est purement expérimental, soit incroyablement bizarre, soit très répétitif, car j’ai créé des moments sonores pour mon loft, à jouer sur mon Sonos.

En quoi cela me rapproche-t-il de mon but ou de ma passion?

Il n’est pas un secret que j’ai trouvé ma passion il y a de nombreuses années, lorsque j’ai découvert que j’étais un professeur assez solide. Aujourd’hui, ça paie. Pour enseigner, vous devez connaître votre métier à fond et être capable de l’expliquer correctement. Ainsi, l’exploration de différentes techniques et la rétro-ingénierie de la musique que j’aime sont différentes façons d’enseigner aux gens qui veulent apprendre. C’est pourquoi notre groupe de coaching est précieux : nous essayons collectivement de comprendre certaines techniques. Ce qui est étonnant avec la musique, c’est que vous pouvez comprendre une technique, l’enseigner à 10 personnes et toutes l’appliqueront à leur manière, ce qui donnera 10 résultats différents. Mais ce qui est amusant, c’est que 50 % d’entre eux n’aimeront pas ne pas pouvoir faire ce que les autres peuvent déjà faire. C’est un sujet sur lequel je travaille beaucoup dans le coaching : le contrôle.

Quoi qu’il en soit, si ce que vous faites le mieux n’est peut-être pas lié à la musique, y a-t-il un espoir? Eh bien, peut-être plus que vous ne le pensez, si vous avez un peu d’imagination. Voici quelques autres types de travaux qui sont plus liés à la musique que vous pourriez le penser :

  • Si vous êtes doué pour l’écriture, vous pouvez travailler avec les artistes sur leurs biographies, leurs dossiers de presse, leurs descriptions de chansons, leur présence en ligne, etc.
  • La conception graphique est souvent une compétence que les musiciens possèdent. Vous n’avez pas idée du nombre de designers qui sont aussi des musiciens et, dans un monde où l’image est cruciale, vous pourriez certainement trouver du travail dans l’industrie de la musique.
  • Des compétences pour le web? Il y a tellement d’aspects que vous pouvez aussi aborder.
  • Compétences en matière d’équipement? Si vous avez des compétences en électronique, vous pouvez peut-être aider à assembler du matériel, par exemple du matériel modulaire qui est livré en kit et qui doit être assemblé.
  • Le réseautage, c’est votre truc? Vous n’avez aucune idée de la façon dont nous avons besoin de personnes capables de relier les gens entre eux ou de créer des ponts entre des parties qui ont besoin les unes des autres.

Vous pensez peut-être que les musiciens n’ont pas d’argent pour payer qui que ce soit, alors comment cela peut-il générer quelque chose? Si vous êtes vraiment doué pour quelque chose, les gens voudront payer. Peut-être pas beaucoup au début, mais si vous faites un excellent travail, il finit par être remarqué. Quand j’ai lancé ce site et les services à plein temps, cela a commencé lentement et j’ai fait beaucoup de travail gratuit (ou à prix très réduit). J’ai pris beaucoup de temps pour établir des relations avec les clients, et j’ai fini par trouver des clients satisfaits qui m’ont recommandé à d’autres. Mon but est devenu de faire en sorte que mes clients puissent s’épanouir dans ce qu’ils font, à la fois en tant que créateurs de musique, mais aussi en tant qu’artistes qui peuvent briller dans leur communauté.

C’est pourquoi j’ai pris un groupe de personnes sous mon aile avec l’idée de les pousser comme s’ils étaient moi. Que puis-je faire pour cette personne qui puisse faire une différence dans sa carrière? Est-ce que cela leur apprend quelque chose? Est-ce que cela les met en contact avec des promoteurs ou des labels?

C’est alors que j’ai compris qu’une autre compétence que j’avais personnellement est le réseautage et l’établissement de contacts. Je suis un papillon social naturel lors des événements et c’est quelque chose qui peut rapporter à long terme, surtout dans ce que je fais.

La pandémie qui touche les événements rend très difficile de faire du réseautage efficace, mais touche aussi l’inspiration générale pour faire de la musique. L’isolement vous oblige à faire de la musique basée sur des souvenirs sans avoir la possibilité de la tester sur une foule… ce qui vous oblige à faire ce que vous aimez et à être simplement patient.