Quand la vie est dure, faites plus de musique

Si vous suivez l’actualité depuis le début de l’année 2020 — le COVID-19 bien évidemment, ce qui s’est passé en Australie (les incendies et la situation politique), en Iran et aux États-Unis, etc. — il est clair que nos vies sont toutes affectées par des choses sur lesquelles nous avons l’impression d’avoir très peu de contrôle. Pour beaucoup, les événements et les nouvelles mondiales peuvent accroître les sentiments d’impuissance, d’anxiété ou de frustration.

Cette impression de manque de contrôle n’est pas étrangère aux musiciens, qui doivent constamment faire face au sentiment de ne pas pouvoir contrôler leur chemin ou leur destination. Les situations notables sont, par exemple, ne pas savoir si un label a aimé votre démo, ne pas connaître les chiffres de vente d’une sortie, attendre des nouvelles d’un promoteur qui vous a booké, ne pas savoir si les gens apprécient vraiment votre musique, ne pas savoir comment obtenir le mix que vous voulez, etc.

« Ne pas savoir » devient une incertitude à laquelle les musiciens sont confrontés quotidiennement, et qui peut hanter leurs pensées. Certaines personnes ont également l’impression que le monde devient incontrôlable, alors que pouvons-nous faire exactement pour y remédier?

Pour ceux d’entre vous qui sont musiciens et qui traversent une période difficile, le meilleur conseil que je puisse donner est de faire plus de musique. Aux personnes qui se plaignent de ne pas avoir le temps, je dis : trouvez et prenez du temps pour cela, comme si votre vie en dépendait. Je sais que cela semble exagéré, mais j’aimerais vous expliquer pourquoi, dans mon cas, cela m’a vraiment, vraiment aidé, et je n’exagérerais pas en disant que cela m’a presque sauvé la vie. En tant que musicien ou créateur, il est incroyablement important de prendre le temps de faire de la musique.

Le deuil

En l’espace de 3 ans, j’ai perdu mes deux parents. Mon père nous a quittés le premier en 2016 — un choc énorme, car il était en très bonne santé. J’ai été complètement déstabilisé et j’ai ressenti un vide profond dont je ne voyais pas la fin. La seule chose qui m’a vraiment aidé était d’écouter de la musique ambient quand j’étais à la maison. J’écoutais la musique de William Basinski, qui est très lofi et bizarre, mais également très réconfortant d’une certaine manière. En 1998, juste avant que je décide de faire de la musique en tant que Pheek, j’ai eu une séparation brutale avec ma petite amie à l’époque et j’étais pratiquement invalide, à la maison, ne faisant rien d’autre qu’écouter le même CD encore et encore. La musique était la seule chose qui avait un sens à ce moment-là, et qui faisait que mon chemin dans la vie semblait moins négatif. Écouter de la musique familière était un besoin pour moi, et mon cerveau exigeait que j’écoute un son spécifique. Aujourd’hui, avec la puissance et la portée de ce que Spotify peut faire (ou même YouTube), vous pouvez obtenir des suggestions en fonction de ce que vous écoutez, et tout en étant apaisé, vous découvrez également des musiques similaires. Il y a une quantité infinie de musique, et en tant que musicien, vous avez le pouvoir d’en rajouter ou de vous en inspirer.

Cette rupture et ces journées d’écoute intense m’ont donné envie de faire ma propre musique, une musique de guérison. La musique de Plastikman a conduit à la création de mon surnom Pheek. La perte de mon père m’a amené à faire de la musique ambient pendant 8 mois, en créant surtout des boucles apaisantes que j’écoutais pendant mes déplacements ou à la maison. À quoi sert de faire de la musique si on ne la fait pas d’abord pour soi-même?

Je trouve que c’est quelque chose qui semble parfois manquer aux personnes avec lesquelles je travaille. Cela est devenu superflu — on se concentre sur l’endroit où la chanson va finir au lieu de faire de la musique pour soi-même. Je ne veux pas porter de jugement, mais c’est quelque chose que je vois souvent.

Maintenant, quand il s’agit de s’immerger dans la création musicale et d’y consacrer du temps, cela donne à votre cerveau quelque chose sur quoi se concentrer. Pour combattre mes propres craintes concernant l’incertitude climatique, j’ai décidé de m’inscrire sur ce site web appelé Weeklybeats, où les artistes sont invités à faire une chanson par semaine, pendant toute l’année. J’ai le sentiment que je dois me pousser à faire plus de musique pour moi. Je suis au service des autres depuis un an, mais récemment, j’ai eu le sentiment que ma musique n’était pas une priorité dans ma vie et que mes compétences de producteur en avaient souffert.

Lorsque le cerveau est en mission, il se concentre sur la résolution des problèmes, la créativité dans les nouvelles idées et la recherche de l’inspiration partout. Si vous pouvez remplacer le désespoir par un flux créatif, même s’il n’apporte aucune solution aux problèmes du monde, au moins vous n’êtes pas vous-même un problème : vous faites de la musique et la musique rapproche les gens.

Prendre le temps de faire de la musique

« Je n’ai pas le temps » est l’excuse numéro un que j’entends lorsque je parle de faire plus de musique. Je la sors moi-même régulièrement, et je souffre aussi de l’excuse « je ne sais pas comment trouver plus de temps ». On a une meilleure idée du temps libre quand on devient parent. Lorsque vous avez un enfant, tout votre temps et toute votre énergie sont consacrés à la famille et vous oubliez vos propres besoins. Un moment de 5 minutes de temps libre peut vous sembler de l’or. J’ai senti un changement dans ma production musicale lorsque j’ai eu mon fils en 2010. Je ne pouvais plus me contenter de me réveiller et de faire de la musique, il y avait d’autres responsabilités à gérer, et tout me semblait hors de contrôle. J’ai réussi à utiliser chaque minute que je pouvais trouver pour travailler sur des projets musicaux.

Comment ai-je fait tout en élevant un enfant? Je n’en suis pas totalement sûr, mais je peux vous recommander quelques astuces pour consacrer plus de temps à la musique dans votre propre vie :

  1. Installez une configuration « plus légère » de votre studio dans votre routine. Cette question peut être difficile à résoudre, mais 100 % des personnes que j’ai incitées dans cette démarche m’ont fait part de leurs réactions positives. La plupart du temps, les gens ont leur studio dans un endroit éloigné de leur quotidien. Cela signifie que leur studio est situé soit en dehors de leur appartement, soit dans une pièce isolée. Il est légèrement déconnecté physiquement de vous et il n’aura pas de place dans votre vie, sauf celle d’une image dans votre esprit. J’encourage souvent les gens à rapprocher un studio plus simple dans le salon, la cuisine ou l’endroit où ils se trouvent le plus souvent. Je suggère également de laisser votre ordinateur ou votre matériel allumé pour que vous puissiez, sans attendre, passer et jouer avec la musique. Vous pouvez laisser une boucle tourner pendant que vous cuisinez ou que vous faites le ménage. Le fait d’avoir la musique physiquement proche de votre vie est une grande révélation pour les nouvelles méthodes de production.
  2. Soyez mobile. Cela peut sembler bizarre, mais faire un peu de musique en déplacement est assez amusant. N’oubliez pas que beaucoup de gens utilisent des Airpods pour écouter de la musique chez eux ou en déplacement. Je ne dis pas que vous créerez un chef-d’œuvre de cette façon, mais si vous pouvez trouver quelques idées sur le chemin de l’école ou du travail, alors vous avez quelque chose qui vous tient occupé et créatif. Je vous recommande également d’enregistrer certains moments de votre vie. Nous voyons beaucoup d’images sur les réseaux sociaux, mais pas assez de son ; enregistrer des moments et les écouter plus tard est une expérience irréelle, et vous pouvez aussi en utiliser des parties pour des chansons. Il n’y a rien de plus surprenant que d’ajouter un peu de conversation aléatoire dans un morceau.
  3. N’attendez pas des conditions parfaites pour travailler. L’excuse numéro un de la procrastination invoquée par beaucoup de gens est qu’ils ont besoin de certaines conditions « acceptables » pour faire de la musique. Il peut s’agir de l’installation dont ils disposent, d’un équipement manquant, d’un logiciel manquant ou du moment de la journée. Certaines personnes pensent qu’elles ne peuvent faire de la musique qu’à un moment précis de la journée. Si vous donnez du pouvoir à ces conditions, vous ne contrôlez pas votre créativité et vous croyez que des forces extérieures vous influencent. Je suis désolé sans l’être, c’est faux. Vous, et vous seuls pouvez faire en sorte que cela se produise, et cela commence en s’asseyant et en le faisant simplement. Si vous vous sentez dépassé, alors lancez-vous dans 5 minutes de musique et voyez où cela vous mène.
  4. Engagez-vous. C’est pourquoi j’ai décidé de relever le défi de faire une piste par semaine pour 2020. Au lieu de faire un album cette année, je vais faire des tonnes de musique, de façon régulière. Vous pouvez vous engager de bien d’autres façons. Vous pouvez vous associer avec des amis pour échanger de la musique, faire de la musique pour les DJs locaux ou pour votre Bandcamp.
  5. Laissez-vous aller et laissez votre démarche être libre. Le plus grand ennemi de la créativité est un moule ou une formule, et si vous suivez toujours les mêmes schémas, vous oublierez que la musique peut même être une simple répétition de quelques notes. Essayez d’écouter de la musique néo-classique et minimaliste des années 60 et 70 pour redéfinir la façon dont vous percevez ce que vous faites. Laissez vous aller à explorer des idées aléatoires. Une chanson peut être une idée simple et vous n’avez pas toujours besoin de faire un template ou une piste. Il peut s’agir de quelque chose d’imparfait, enregistré à l’improviste. Il n’y a pas de règles, soyez libre!

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La peur de passer à côté

Si vous examinez le parcours d’un artiste, vous constaterez souvent que ses premières sorties sont assez différentes de celles qu’il réalise plus tard dans sa carrière. Dans de nombreux cas, c’est l’effet de la maturité, mais parfois c’est le résultat de la volonté de l’artiste de maintenir un public en ajustant la musique qu’il fait pour qu’elle ressemble davantage à ce qui se vend. De nombreux artistes essaient de centrer leur production musicale sur ce qui a « fonctionné » et d’autres tentent d’attirer l’attention en sautant d’un train à l’autre. Il n’est donc pas surprenant que les nouveaux venus dans le monde de la musique essaient de copier les artistes qu’ils aiment, en essayant d’attirer l’attention sur leur propre travail.

Quelle que soit la durée de votre vie musicale, vous vivrez à un moment ou à un autre une crise existentielle qui vous amènera à vous demander pourquoi vous faites de la musique et pour qui vous devriez en faire. Quand les artistes ressentent cela, je vois un certain nombre d’habitudes qui commencent à émerger dans leur travail :

  • Imiter le cheminement d’un autre artiste
  • Changer de genre ou de style
  • Viser à figurer dans les charts
  • Faire de la musique dans le but d’obtenir plus d’écoutes

Y a-t-il quelque chose de mal à faire l’une de ces choses? Non, pas du tout. Mais si vous essayez de faire quelque chose et que vous vous attendez à en contrôler le résultat, alors vous pourriez vous sentir frustré et éventuellement développer une relation amère avec votre musique. C’est un schéma que je vois souvent dans le coaching et il est assez difficile de l’inverser.

Fondamentalement, beaucoup d’artistes ont peur de passer à côté (en anglais, Fear of Missing Out) — ils commencent à assimiler certaines choses dans leur création musicale au « succès », ce qui peut signifier qu’ils craignent de passer à côté, à cause de choses comme :

  • Ne pas faire de la musique qui soit assez « bonne ». Croyance : « Ma musique doit sonner d’une manière spécifique pour être bonne. »
  • Ne pas être signé par un label. Croyance : « Si je suis signé sur le label X, alors je vais avoir du succès parce que les gens vont m’entendre/me voir. »
  • Ne pas avoir assez d’écoutes sur les morceaux publiés. Croyance : « Si les gens n’écoutent pas ma musique, c’est parce que je ne fais pas les choses correctement ».
  • Ne pas avoir la chance d’être entendu en jouant dans un club. Croyance : « Ma musique ne me permet pas de faire des concerts. »
  • Ne pas sortir sur un vinyle. Croyance : « Le vinyle est une consécration. »

« L’artiste X est arrivé là où j’espère être. Par conséquent, je vais essayer de suivre ses pas parce qu’il semble que cela ait fonctionné ».

Si l’une de ces choses n’arrive pas, ou pas assez vite, certains artistes ont l’impression que tout ce sur quoi ils ont travaillé va s’effacer et qu’ils n’obtiendront jamais aucune reconnaissance. Honnêtement, j’en sais quelque chose parce que je suis passé par là, mais surtout après avoir été très sollicité. La plupart du temps, je vois cela davantage chez les gens avant leur percée. Mais dans les deux cas, c’est le même flux de pensée qui se déroule dans ce processus de recherche d’attention. Ce carrousel demande sans cesse à un artiste de se pencher sur une question importante : quelle part de ce que vous faites est juste pour vous, et qu’est-ce qui devrait être publié?

Pour répondre à cette question, il faut avoir envie d’être entendu ou vu, et réussir. Si vous persistez, il y a des chances de réussite, mais vous devez d’abord investir beaucoup de travail dans votre création.

Chaque titre doit-il être signé sur un label?

Non, évidemment. Allons un peu plus loin — chaque chanson doit-elle être peaufinée? Parfaite? Bien? Encore une fois, non. Mais pour beaucoup, répondre « non » à ces questions n’est pas discutable, car ils mettent toute leur énergie à polir et à finir les chansons pour s’assurer qu’elles sont prêtes à être envoyées comme démo à un label.

Pour moi, 2020 a vu l’apparition d’un nouveau style de travail où je fais une chanson par semaine. J’essaie d’aller le plus loin possible ; j’essaie de faire de la musique tous les jours. Cela a complètement changé ma perspective sur la façon d’aborder ma musique. Il y a des jours où mon inspiration est absente et d’autres où mon énergie n’est pas là — il n’est pas facile de tout voir s’aligner et d’avoir ce moment parfait. Mais plus important encore, cette approche m’a appris que m’asseoir devant mon ordinateur pour faire de la musique doit s’accompagner d’une intention très claire quant à ce que je veux faire de mon temps et de l’émotion que je vais canaliser dans la musique. Tout change lorsque l’intention est claire.

Si vous avez du mal à rouvrir un ancien projet et à vous y mettre, c’est surtout parce que votre intention derrière ce que vous faites n’est probablement pas claire, et que votre esprit est ailleurs. C’est pourquoi l’idée de copier ou d’imiter d’autres artistes ou chansons devient un peu problématique, car on ne peut pas vraiment reproduire une intention émotionnelle nouvelle.

Devriez-vous essayer de copier ou d’imiter une chanson ou un artiste?

Si vous copiez avec l’intention d’apprendre un processus, oui. Mais si vous copiez pour essayer de tirer parti de l’attention du public en espérant être apprécié, signé, considéré comme cool… ou tout ce qui a trait à l’attention, ne le faites pas.

Si je ne signe rien, ne serai-je pas oublié(e)?

Pas vraiment. Certains artistes ont eu du succès sans avoir beaucoup publié. La qualité des sorties est évidemment très importante, et pour moi personnellement, les sorties m’ont souvent donné un certain élan et une certaine attention. Mais en plus de toute la musique que je fais aujourd’hui, beaucoup de gens se souviennent encore de moi pour la musique que j’ai faite il y a dix ans.

En conclusion, si vous faites de la musique en réagissant, vous vous identifiez peut-être dans cette peur de passer à côté. Je vous invite à créer maintenant plus que jamais, car tout le monde traverse cet épisode de quarantaine et a plus que jamais besoin d’art. Vous ne serez pas oubliés, vous serez appréciés.

Intégrité artistique et théorie musicale

La semaine dernière, lors d’une de nos séances de coaching en ligne, nous avons discuté de l’importance de la théorie musicale. En décrivant mes propres opinions sur son importance, j’aimerais souligner les différentes étapes de découverte de la musique que j’ai traversées au cours de ma vie. Dans cet article, je développerai également certaines de mes réflexions sur l’état actuel de la musique.

Il est difficile d’identifier la première fois où j’ai entendu de la musique électronique, mais c’était probablement dans les années 70 et, évidemment, j’en suis tombé amoureux. Il y avait toute une tendance de science-fiction à l’époque, et tout ce qui touchait à la science-fiction était caractérisé par de la musique électronique. À l’époque, dans un océan de pop et de rock, la musique électronique était la plus étrange, elle n’avait pas son pareil. Elle avait ses propres règles, et alors que certaines personnes faisaient des reprises électroniques de chansons connues (que j’ai toujours détestées profondément), j’avais un intérêt prononcé pour la musique originale.

Au début des années 80, j’étais vraiment dans le breakdance et les débuts du hip-hop électronique ou de l’électro, qui faisaient fureur. L’utilisation des 808 était courante, et pour moi, ça a également été le coup de foudre. Ce que j’ai découvert plus tard, c’est le lien étroit entre les débuts du hip-hop et le jazz. Récemment, j’ai regardé un documentaire de Blue Note qui retrace les racines du hip-hop et du jazz, ce qui était très rafraîchissant.

Ce qui est inspirant dans ce documentaire, c’est la façon dont ce label, à ses débuts, essayait vraiment de donner aux artistes une chance de partager une vision très personnelle de la musique, sans se soucier des tendances ou des ventes. Ce qui est surprenant dans ce film, c’est que, pour la plupart, les artistes et les propriétaires de label parlent de ce qu’ils font en se plaçant sur le même plan que les musiciens électroniques à propos de leurs propres créations.

Ce type de vision a toujours fait écho en moi ; ce qui rend un artiste sain, c’est de s’efforcer d’être personnel avant tout. Si cela vous paraît évident, je suis sûr que vous savez aussi que ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres qui pourraient lire ce billet. C’est pourquoi je suis devenu un ami proche de Bryan, avec qui je fais du jazz. Il joue du saxophone depuis plus de 45 ans dans toutes sortes de contextes. Quand il s’agit d’apprendre la musique, de connaître les règles de progression des accords et des choses comme le cercle de quintes, il est probablement la meilleure personne avec qui discuter.

Nous avons eu une discussion sur ces soi-disant « règles » une fois. Son point de vue était très clair : le fait de connaître moins de règles pourrait en fait vous permettre d’être plus ouvert à l’innovation plutôt que de penser que certaines choses ne devraient pas être faites. Je peux comprendre cela, car lorsque j’entends parler de « règles d’ingénierie », j’ai souvent l’impression de m’empêcher de faire certaines choses en y adhérant. Bryan ne souhaite pas me guider en ce qui concerne les mélodies. « Il faut casser les schémas, mec! », dira-t-il, en parlant parfois de la façon dont ça marche dans le free jazz.

« Les règles de la musique ont pris des proportions démesurées dans les années 80, lorsque les musiciens ont compris qu’ils pouvaient gagner beaucoup d’argent s’ils connaissaient les ficelles du métier. À l’époque, tout le monde était plus intéressé par la répétition de recettes connues que par la création de quelque chose de personnel », dit-il. Nous avons discuté de la manière dont les élitistes de la musique ont élaboré des règles sérieuses pour limiter la pratique de la musique aux personnes riches qui pouvaient se permettre de suivre des cours de musique, ce qui a eu pour effet de la rendre moins accessible aux pauvres. Le dialogue autour de la théorie musicale a traditionnellement été à la baisse, des classes supérieures vers les classes inférieures — une communication à sens unique.

Le jazz a rendu la musique plus ouverte et plus accessible. Les débuts de l’époque des raves avaient une éthique similaire (vers 1987-1992), où la musique et la scène étaient vraiment axées sur l’inclusion et sur un grand F-you à l’industrie de la musique. Il y avait alors beaucoup de tension entre la musique électronique et les autres genres. La musique électronique était souvent mal comprise, raillée et dénigrée, probablement parce qu’elle était tout le contraire en termes de valeurs et de modes de vie.

Du début des années 90 jusqu’à environ 2010, l’une des valeurs les plus importantes dans la plupart des branches de la musique électronique était le sens de la nouveauté. À l’époque de mes premières raves, nous nous attendions à être défiés musicalement. Nous voulions entendre de la musique que nous n’avions jamais entendue auparavant, et nous voulions même être désorientés. Les DJ faisaient un énorme mélange de différents styles, et le beat-matching n’était pas aussi important qu’il semble l’être aujourd’hui. C’est devenu de plus en plus organisé et les DJ les plus populaires sont devenus les plus structurés, et finalement les DJ ont commencé à jouer des sets d’un seul genre. Un genre émergeait, restait pendant un certain temps, puis devenait « mauvais » jusqu’à ce qu’un autre l’usurpe en s’effaçant dans le passé. Cette progression a fait de nombreuses victimes : Trance, Techno, House, Drum and Bass, etc. C’était assez différent d’aujourd’hui où il y a de la place pour tout et où ce sont les artistes qui vont et viennent à la place des genres. Peut-être qu’ils ne « vont » jamais vraiment, mais l’attention des médias se déplace souvent vers d’autres artistes du même genre qui sont légèrement « différent ».

Mais revenons à la théorie musicale et aux progressions d’accords académiques.

Souvent, les gens font des mélodies basées sur un concept ou une règle qu’ils ont en tête, ou sur quelque chose qu’ils ont déjà entendu. Une chose que les gens me disent souvent, c’est que lorsqu’ils lisent sur la théorie musicale et qu’ils essaient ensuite de l’appliquer dans leur propre travail, ils ont l’air ringards ou trop pop. La question est donc de savoir s’il existe un moyen de connaître les règles concernant les mélodies et de faire quelque chose qui sonne bien.

C’est une question à laquelle il est un peu difficile de répondre.

Soit vous comprenez d’abord les tonalités associées à un genre et vous essayez ensuite de les réinterpréter à votre manière, soit vous ne le faites pas. Mais pour moi, cela soulève des questions concernant l’intégrité artistique — peut-être voulez-vous travailler dans un genre tout en créant un fort sentiment d’originalité. Est-ce possible?

Eh bien, si vous choisissez un genre qui vous parle vraiment et dans lequel vous voulez travailler fortement, c’est une certaine décision que vous prenez sur qui vous êtes en tant qu’artiste. Mais à mon avis, la qualité du vocabulaire que l’on peut développer dans la musique électronique vient d’abord et avant tout de la compréhension du sound design.

Cela dit, la compréhension de la théorie musicale est d’une grande aide pour comprendre comment jouer une note particulière. Il existe de nombreux outils pour vous aider à améliorer vos connaissances tonales et théoriques. En voici quelques-uns :

  • Instascale: Je ne connais pas encore celui-ci, mais j’ai entendu de bonnes choses.
  • Scaler: Pour vous aider à comprendre les progressions d’accords en vous proposant ce qui pourrait suivre votre mélodie, en fonction d’un genre.
  • Melodyne: un des plug-ins les plus utilisés pour la correction de hauteur.
  • Captain Plugins: La suite complète vous donne accès à des outils qui facilitent la création de mélodies, la détection de la hauteur, la création de basses et peuvent faire une énorme différence dans la création de structures musicales.

Une chose que je fais souvent, c’est travailler avec mes pistes de référence en utilisant un plug-in de détection de pitch (Mixed in Key, studio edition) et je m’en sers comme point de départ. Ensuite, si vous voulez générer un point de départ différent, j’utiliserais Rozzer (patch Max for Live gratuit) qui génère un motif aléatoire. Cela m’aide généralement à trouver un motif pour une chanson. Andrew a également quelques bonnes suggestions :

Une chose qui m’aide beaucoup pour faire des mélodies est de travailler avec ce qui est proposé au lieu d’essayer de trop contrôler la production. Si vous commencez à travailler avec une mélodie attendue dans votre tête, vous risquez de passer des heures à essayer de la recréer et elle finira par sonner mal. Vous devez en quelque sorte trouver la bonne mélodie pour le bon son. C’est là qu’il est facile de descendre dans le terrier du lapin blanc.

C’est pourquoi, si vous travaillez avec ce que vous avez et que vous essayez d’en tirer le meilleur parti, vous risquez de vous retrouver avec quelque chose de plus original. J’enregistre beaucoup d’idées en MIDI et j’y reviens généralement en essayant une grande série de presets jusqu’à ce que je trouve ce qui me semble correspondre parfaitement, puis je modifie les sons (c’est là que les connaissances en matière de conception sonore sont utiles).

Dans ce blogue, je parle souvent de rester aussi ouvert d’esprit que possible et de lâcher prise sur le contrôle. La notion de contrôle sur ce que l’on fait vient avec la pratique. Il en va de même pour la compréhension de la théorie musicale. Vous devez faire beaucoup de projets et de chansons pour devenir plus fluide et plus compréhensif dans ce que vous faites. Mais pour y parvenir, il faut d’abord vraiment lâcher prise!

Il est grand temps que les musiciens soient inclusifs

Toute personne qui fait de la musique passe régulièrement par des phases de sagesse. Parfois, on a l’impression que l’industrie de la musique est un jeu vidéo dans lequel, avec un peu de chance et de réseau, on peut « monter en grade » jusqu’à la gloire. Faire de la musique avec cet état d’esprit, ce que semblent faire de nombreux artistes, produit certains comportements peu attrayants :

  • Une réticence à partager ses connaissances et ses contacts
  • Adopter une approche compétitive de la musique
  • Snobisme et arrogance envers les autres personnes et les artistes

Les nouveaux producteurs sont souvent déstabilisés par l’attitude des artistes établis. Les artistes établis filtrent les gens pour d’autres raisons, car s’ils restent ouverts à tout le monde, cela peut devenir épuisant, surtout si beaucoup essaient de les « utiliser » (c’est-à-dire pour attirer l’attention, avoir un retour sur la musique, etc.) Certains artistes sont également très mauvais pour communiquer ou sont simplement timides, ce qui les pousse à adopter une personnalité fermée pour se cacher. Cela dit, la frontière entre snobisme et filtrage demeure ténue.

D’où provient l’arrogance des artistes?

Si les gens travaillent dur pour apprendre quelque chose, partager « gratuitement » à quelqu’un d’autre ce qu’ils ont dépensé en temps et en argent pour comprendre peut sembler injuste, non? Les gens peuvent aussi penser que s’ils ont atteint un certain statut, peut-être que d’autres personnes qui se trouvent derrière eux pourraient les évincer de leur position.

Partager le savoir ne vous fait pas le perdre.

Parfois, les gens ont aussi l’impression que s’ouvrir à quelqu’un pour partager des informations précieuses et obtenir quelque chose en retour peut être très frustrant, car cela ressemble à un gaspillage d’énergie. Ou pire, on craint parfois une sorte de trahison si le destinataire va « plus loin » avec l’information partagée que l’artiste original ne l’a fait lui-même. Il n’est pas vraiment surprenant que de nombreux artistes soient extrêmement protecteurs, car ils ont constamment l’impression qu’ils risquent d’être « dépassés ».

Voir quelqu’un réussir ne signifie pas que vous avez échoué.

En réalité, une carrière musicale n’est qu’une série de hauts et de bas, avec quelques pics et quelques plateaux. Vous ne pouvez pas y échapper, cela fait partie du jeu. Elle n’est jamais liée au succès des autres, c’est purement organique. Une carrière musicale est absolument bipolaire et extrêmement volatile. Ces conditions sont propices à des sentiments d’hypervigilance, d’anxiété et de dépression. Certaines personnes parviennent à atteindre un flux où les choses fonctionnent plus longtemps que d’autres — c’est relié à une bonne combinaison de réseaux solides, de talent naturel et d’une bonne dose de charisme. Parfois, le fait d’aider d’autres artistes peut en fait contribuer à améliorer la carrière d’un artiste.

Quels sont les avantages d’être inclusif et d’aider d’autres artistes?

Si pour beaucoup, cela peut sembler évident, vous seriez surpris de constater que pour beaucoup d’autres, l’idée de travailler avec d’autres personnes semble être une mauvaise idée ou une idée compromettante. Je ne suis pas du genre à juger l’opinion de qui que ce soit, car il y a en effet un grand risque auquel nous sommes d’abord confrontés : le vol et l’abus de connaissances. De nombreux artistes sont exploités par des maisons de disque, des promoteurs de clubs, Spotify ou d’autres géants du secteur de la musique, et même par d’autres artistes qui copient ou « volent » des contenus/idées. Le fait d’être inclusif risque-t-il d’accroître ce type de situations?

Être inclusif, ce n’est pas être naïf. C’est d’abord et avant tout essayer d’aider les autres, comme vous aimeriez être aidé lorsque vous en avez besoin.

En écrivant ce billet, la plupart d’entre nous sont en quarantaine et n’ont aucune idée de ce que seront les choses dans un avenir proche. Il est intéressant de noter que depuis 20 ans, je me suis habitué à être dans mon studio, isolé et à travailler à distance. J’ai fait d’innombrables collaborations en ligne et j’ai aussi dirigé des maisons de disque. Mais aujourd’hui, ce mode de vie est imposé à beaucoup de gens qui n’y sont pas habitués. Tout le monde ne peut pas se sentir à l’aise dans cette position, même les musiciens. Ces deux dernières semaines, j’ai encadré quelques groupes en ligne par l’intermédiaire de Zoom pour soutenir ma communauté. Des séances de trois heures avec plus de 30 participants m’ont fait comprendre que nous voulons tous tendre la main aux autres, et que notre vie est loin d’être un film dystopique dépeignant les révoltes et la violence. Je vois beaucoup plus de collaboration créative, de performances en ligne, des tonnes de divertissements, de cours et de personnes qui passent leur temps à aider des inconnus. Je veux que cela se produise également avec les musiciens.

Au cours d’une période d’inactivité prolongée comme celle que nous vivons actuellement, de nombreux institutions, clubs, festivals et artistes subiront des pertes. Je vois des gens qui organisent des campagnes de financement participatif, mais elles ne semblent pas avoir beaucoup de succès. L’argent n’est qu’un aspect du problème — ce n’est pas la véritable solution à cette situation. Là où nous aurons vraiment besoin d’aide, c’est dans l’entraide, le soutien aux musiciens et aux entreprises locales, et la suppression de cette activité qui consiste à agir comme une « diva de la musique » : nous devrions repenser notre façon de travailler.

J’aimerais vous présenter quelques façons d’agir envers les autres qui ont été mon mode de vie. Je ne me considère pas comme parfait, mais j’essaie de vivre selon ces maximes. Être inclusif est quelque chose d’essentiel dans ma vie quotidienne.

  1. Une chose que je fais souvent, car bien sûr je n’ai pas toujours le temps d’aider, c’est que j’apprends aux gens à résoudre leurs problèmes, à trouver des réponses par des recherches efficaces. Par exemple, YouTube a la solution à de nombreux problèmes et beaucoup de gens l’ignorent.
  2. Je donne à chacun une chance jusqu’à ce qu’il me prouve le contraire. Tout comme dans la vie, si quelqu’un vient me voir, semble amical et veut discuter, je prends généralement le temps de répondre. Je suis toujours intéressé par la possibilité de faire connaissance avec les autres avec le temps dont je dispose. La plupart du temps, les gens sont très amicaux. Ce qui est bien avec une présence en ligne, c’est que vous pouvez facilement prendre de la distance si les choses ne se passent pas bien. Mais j’aime donner une chance aux gens et ne serais jamais snob si je ne suis pas en présence d’un fort conflit de valeurs de vie (par exemple un comportement agressif, une incapacité à écouter, une consommation excessive de drogue ou tout ce qui peut mettre ma santé en danger).
  3. J’aime être un « yes-man ». Dans la plupart des cas, quoi que l’on me demande, je ferai de mon mieux pour dire oui et répondre. On m’a dit que je suis trop gentil et que les gens profitent de moi, mais il y a beaucoup de gens qui sont comme ça et c’est souvent plus énergisant que fatigant. Cependant, je trouve qu’il est essentiel d’avoir des limites solides.
  4. J’investis dans ceux qui investissent en moi. J’ai souvent couru après des gens que je trouvais cool, mais dont je ne recevais pas d’attention en retour. J’ai continué à essayer et j’ai fini par éprouver du ressentiment. Ce comportement appartient maintenant au passé pour moi, et je ne m’investis que dans les personnes qui me rendent de l’attention. Si j’envoie un courriel et qu’il n’y a pas de suivi, il se peut que j’en envoie un deuxième, mais je n’ai généralement pas d’attentes. Cela a permis de dissiper beaucoup de frustration envers les maisons de disque qui ne répondent pas ou envers d’autres artistes avec lesquels je voulais travailler et qui ne répondraient jamais. Je me concentre maintenant sur les personnes qui viennent me voir en premier lieu. Il y a beaucoup plus d’énergie.
  5. Écouter ce que les gens ont à dire m’apprend des choses chaque jour. Lorsque je fais du coaching en ligne, je passe du temps à écouter ce que les gens ont à dire. Il y a autant d’espace pour apprendre que pour enseigner. Je crois que tout le monde peut m’apprendre quelque chose parce que le monde de la musique est trop vaste pour prétendre tout connaître.
  6. Je crois que même si je suis confronté à ce qui semble être un échec, il y a quelque chose qui m’attend et qui me sera bénéfique. Parfois, j’ai eu l’impression que certains malheurs aient été vraiment durs pour moi personnellement ou pour ma carrière musicale. Il est vraiment impossible de prévoir ce qui nous attend, mais curieusement, quand il s’agit de l’avenir, personne n’a le contrôle ; la magie peut se produire dans le futur, d’une manière qu’il était impossible d’imaginer. Les histoires de vols manqués, d’événements annulés, d’albums piratés, etc. sont des choses que j’ai vécues et dont je pourrais parler, mais il y a toujours eu quelque chose de positif qui est ressorti de ces expériences. Je ne suis pas quelqu’un qui croit que la « pensée positive » peut tout régler dans des situations négatives, donc je préfère me recentrer et avoir confiance qu’il y a quelque chose à venir qui sera meilleur pour moi ou pour les autres.
  7. Le fait de toujours mettre les gens en contact et de partager des connexions crée du pouvoir. Je n’ai jamais gardé de contacts pour moi, mais c’est quelque chose que je vois souvent les gens faire. Je ne vois pas l’intérêt de séparer les gens. Si vous pouvez mettre les gens en contact et que quelque chose en découle, vous venez de créer un canal dont beaucoup de gens profiteront.
  8. Ne prenez jamais rien personnellement — tout est dit.
  9. Vous ne savez jamais qui vous aidera à l’avenir. Tant de fois, j’ai parlé avec des gens au hasard et des années plus tard, ces gens sont revenus vers moi avec quelque chose. Récemment, quelqu’un a réservé mes services pour un mix et m’a dit que je lui avais donné un CD en 2004!
  10. Être gentil est souvent plus payant à long terme. Je ne crois pas qu’être difficile paie d’une quelconque manière, et à long terme, les gens vous éviteront si vous êtes désagréable.
  11. Expliquer, c’est apprendre. C’est ma devise. Si vous pouvez apprendre un tour à quelqu’un, vous devez le connaître suffisamment pour l’expliquer. C’est pourquoi vous vous apprenez à le refaire vous-même. Souvent, si quelqu’un ne comprend pas, vous devez trouver d’autres moyens de l’expliquer, ce qui tend à vous aider à découvrir de nouvelles possibilités dans votre travail.